DES PASTILLES EFFERVESCENTES DANS L’ISR

Par Olivier Johanet, Président de La Financière Responsable

Des pastilles effervescentes réglementaires sont tombées récemment dans le grand bocal de l’ISR, en créant des bouillonnements, pour ne pas dire une certaine confusion. Pourtant ces différentes pastilles sont supposées être des médications dissipant le trouble dans la définition et l’utilisation de la gestion ISR. Le but qu’elles affichent est de permettre aux investisseurs, notamment particuliers, d’être guidés dans leur choix de placement de leur épargne. Ces différentes pastilles émanent d’autorités publiques européennes ou françaises :  pour notre pays, l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), Le ministère de l’Économie et des Finances par la voix de la Direction Générale du Trésor, de l’Inspection des Finances, ou du Secrétariat d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie Sociale, Solidaire et Responsable ;  En Europe, l’ESMA (European Securities & Markets Authority), la Commission européenne avec la MIFID (Markets In Financial  Instruments Directive). Ces textes sont affublés pour la plupart d’acronymes peu compréhensibles par le grand public.

Donc, en mars 2020, l‘AMF publie une doctrine (DOC 2020-03) applicable au plus tard le 10/03/2021, ayant pour objet de fixer pour la France les normes de communication dans le domaine extra financier, validant ainsi une gestion ISR.  L’AMF souhaite éviter « le greenwashing » qui avait gonflé les gestions ISR et introduit une vraie confusion dans l’écosystème.  Quasiment dans le même temps, avec la même date d’application, une autre pastille dénommée SFDR (Sustainable Finance Disclosure Régulation) assortie de décrets d’application en cours de publication (RTS pour Regulation Technical Standards) aborde le même sujet avec le même objectif mais avec une mise en œuvre différente, laissant apparaitre de fait une concurrence entre Autorités. SFDR crée 3 catégories de fonds, au sein des gestions (SFDR 6, 8 et 9) établissant une gradation dans l’implication ISR du produit proposé. Cela crée inévitablement une certaine complexité, puisque pour beaucoup de distributeurs, il convient de proposer à leurs clients ce qu’ils estiment être le mieux, le niveau 9, alors qu’il s’agit bien d’objectifs différents selon que l’on adopte la catégorie SFDR 6, 8 ou 9. Dans les deux années à venir, d’autres dispositions (CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive) viendront préciser les différentes données extra financières attendues de la part des entreprises. Notons enfin que d’autres Autorités Publiques se sont également mises à la tâche dans ces domaines :  L’Inspection Générale des Finances a proposé une modification des contours du label ISR français pour passer d’un label de signalisation (sic) à un label d’orientation vers l’application des politiques publiques françaises dans le domaine climatique. Le ministère des Finances a également publié fin mai 2021, pour application immédiate, le décret d’application de l’article 29 de la loi énergie-climat (modifiant, en le complétant, le maintenant bien connu article 173 de la Loi sur la Transition énergétique et la Croissance verte) qui précise les caractéristiques à intégrer dans les stratégies d’investissement luttant contre les risques climatiques ou liés à la biodiversité, ainsi que les risques de durabilité. De même, la MIFID s’applique à réglementer la façon dont le client épargnant doit être expressément impliqué au préalable dans la décision d’investissement ISR. Citons enfin les débats dans la définition d’une « taxonomie » actuellement verte, mais qui ensuite doit être sociale, afin de mieux fixer le contour des espaces (Environnement), S (Social) du triptyque ESG (G pour Gouvernance).

 

Quelques conclusions à tirer de cette de cette effervescence :

  • Il est effectivement aujourd’hui nécessaire de mieux définir les normes impératives permettant de caractériser une gestion ISR, fondée sur le E, le S et le G. (ESG) et ainsi remettre de l’ordre dans ce style de gestion.
  • La concurrence entre les différentes autorités de régulation qui s’attachent toutes à faciliter la compréhension de l’ISR par les investisseurs face aux produits qui leurs sont proposés, est sans doute en train de créer un écosystème complexe et difficile à comprendre, qui pourrait amener, de fait, dans la réalité, des erreurs de choix.
  • L’application du principe de subsidiarité, un des fondements européens, aurait ici mérité une plus grande « ardeur ».

 

18/06/2021

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