L’épargne salariale et l’ensemble des dispositifs financiers mis en place dans l’entreprise pour préparer la retraite sont autant d’occasions intelligentes pour le salarié, quelque soit son niveau, d’entreprendre dans de bonnes conditions un  effort d’épargne dans la durée. Nous sommes là en présence d’une épargne généralement à long terme, qu’on peut donc valoriser dans les meilleures conditions. Il faut, pour que cette épargne soit correctement rémunérée, qu’elle soit placée sur des produits adéquats.

Les salariés sont généralement très friands d’un placement de cette épargne en titres de l’entreprise. En effet, ils connaissent leur entreprise. Ils savent quelles sont ses capacités de développement, ses ambitions et ses espoirs mais aussi ses difficultés. Ils se sentent à l’aise avec un tel placement car ils sont dans un monde connu.
En dehors de ces formules d’actionnariat salarié, l’épargnant se trouve placé en face d’un véritable dilemme. En effet, une grande quantité de produits financiers et de formules toutes aussi brillantes et prometteuses les unes que les autres se proposent à lui. Il a donc l’embarras du choix, ce qui signifie stricto sensu qu’il est bien embarrassé pour choisir. Des conseillers avisés ont tenté de lui faciliter la décision en mettant au point des produits réunissant divers types d’investissements (obligations, actions, monétaires) assemblées entre eux de telle façon que des profils de placement peuvent se dégager (en général, prudent, équilibré ou dynamique). Cette réponse tient d’une sorte de compromis entre la recherche de gain et l’inquiétude face à un avenir inconnu et un monde, celui de l’argent et de la finance, générateur d’anxiété, comme le montre la fable[1].
Or, en application de la théorie et de la pratique financières, cette épargne à long terme devrait être préférentiellement placée en actions. En effet, il est démontré partout que, sur longue période, les actions sont dans la plupart des cas les meilleurs placements par rapport à toute autre classe d’actifs. Il est vrai que le moment de la souscription est déterminant et peut introduire des biais de performance non négligeables. L’épargne salariale  et les produits de retraite en entreprises sont alimentés régulièrement (annuellement). Les souscriptions sont donc étalées dans le temps et réduisent donc de ce fait le risque issu d’une date unique d’entrée.

Néanmoins, l’épargnant français, à la différence de ses semblables anglo-saxons, reste méfiant envers le placement actions qui lui paraît très risqué. Il a au fond le sentiment que ce type d’investissement présente un risque de perte supérieur au potentiel de gain. En réalité, il est tenté mais face à ce qui lui semble inconnu, il préfère en fin de compte souvent s’abstenir et, partant, se passer d’une rémunération meilleure sur le long terme. Les évènements récents pourraient lui donner raison. En effet, la crise financière très grave que nous traversons montre combien des montages financiers, parfois cachés, souvent incompréhensibles, ont pu réserver des violentes surprises et déceptions alors que tout semblait bien contrôlé et assuré, ou « structuré ». Chacun en effet démontrait, en période d’euphorie, en quoi ces produits complexes constituaient une véritable « martingale » de qualité.

Comment faire pour résoudre ce dilemme et ramener l’épargnant vers les solutions plus profitables du placement en actions ?

L’Investissement Socialement Responsable (ISR) est souvent présenté comme une solution permettant de contrebattre cette appréhension. En effet, l’ISR a fait florès ces dernières années en se fondant sur la crise et ses graves mésaventures, et donc en réponse à une recherche de plus d’éthique, de sens et de vérité. Les mots en ont appelé à l’émotion  pour proclamer plus ou moins solennellement l’arrivée d’un monde nouveau plus préoccupé de bien que d’argent. Ne rêvons pas : il n’y a pas de corrélation démontrée entre le vice et la performance ou la vertu et la contre-performance. Ce serait trop facile !   L’épargnant a le droit d’attendre une rémunération du placement de son épargne. Il n’est pas condamné à investir dans le mal pour avoir une récompense, ou à accepter une mauvaise performance, parfois significative, sous prétexte de rechercher le bien. L’ISR émotionnel  ou idéologique n’est certainement pas une réponse financière[2].

L’ISR, en tant qu’exigence d’investissement financier stratégique et raisonné, est sans doute néanmoins une réponse.

La définition de l’ISR la moins chargée d’émotion, la plus neutre, et donc généralement acceptée, énonce qu’il s’agit d’une méthode d’investissement où la sélection de valeurs est effectuée avec des critères extra-financiers en sus des traditionnels critères financiers.  Une telle définition implique donc qu’on ne peut pas résumer la qualité d’une entreprise à ses seules caractéristiques financières. Il convient en effet d’apprécier l’entreprise dans son intégralité, sur sa capacité à mobiliser autour de son objectif l’ensemble de ses ressources financières et non  financières. La Financière Responsable a déposé le terme Gestion Intégrale IVA® pour caractériser cette approche qu’elle a systématiquement développée autour d’un référentiel d’analyse de données et d’un rapport d’Empreinte Ecosociale®. Le terme IVA®, qui signifie Integral Value Approach, rappelle étrangement l’acronyme EVA® (Economic Value Added) déposé par le cabinet anglo-saxon Stern Stewart il y a environ 20 ans, avant les bulles et la crise comptable, économique et financière. EVA® suppose que l’on peut calculer la valeur créée par une entreprise, car elle n’est qu’économique ; elle est la résultante du profit net opérationnel après impôts diminué du coût des capitaux employés. Nous affirmons d’une part que la valeur créée par une entreprise n’est pas qu’économique. Elle est à n’en pas douter de différentes natures et raisons : l’entreprise crée certes une valeur économique, mais également une valeur sociale et sociétale vis-à-vis de la société civile, et même environnementale si elle sait développer des savoir faire qui tirent profit de la nature sans compromettre son utilisation par les générations futures. D’autre part, l’IVA® suppose également que si toutes les valeurs peuvent se mesurer, elles ne peuvent pas pour autant s’additionner et donc se calculer et se résumer à une seule grandeur. Elles ne peuvent que s’apprécier, s’approcher, car elles sont issues d’un système humain complexe qu’est l’entreprise qu’on ne peut évidemment pas réduire  exclusivement à une valeur financière.  On constate ici que l’approche est très concrète. En effet tous les salariés  savent parfaitement qu’on ne peut pas résumer leur entreprise et leur travail à une simple grandeur financière. Ils savent au quotidien qu’un patron de qualité se préoccupe de mobiliser harmonieusement l’ensemble des ressources de l’entreprise, financières ou autres, c’est à dire l’ensemble des parties prenantes, autour du projet commun. Chacun s’accorde à constater que la négligence durable d’une partie prenante crée des déséquilibres et des insatisfactions génératrices  de sous performance et de difficultés. Chaque salarié sait qu’il vaut mieux travailler et consacrer des efforts pour une entreprise où la finance ne règne pas en maître, mais est un outil parmi les autres, contribuant à la pérennité et au développement de l’ensemble. L’ISR, selon la méthode de la gestion intégrale, évoque des réalités concrètes pour chacun des épargnants auquel nous nous intéressons ici. Il est cependant clair que cette approche s’inscrit dans la durée. En effet, le développement intégral ne peut produire des effets significatifs dans un horizon très court. Il peut même parfois se révéler à court terme plus coûteux. Mais nous pouvons affirmer qu’à l’inverse le moyen et long terme n’est pas fait, en matière d’entreprise, d’une série de coups positifs à court terme. Le développement durable d’une entreprise est fondé sur une stratégie déployée dans la durée, définie par le patron et validée par les organes de gouvernance de l’entreprise (Conseil d’administration et Assemblée Générale des actionnaires). Cette stratégie est ensuite mise en œuvre dans son intégralité par le patron qui s’adresse alors à chacune des parties prenantes de l’entreprise pour leur en faire partager le sens et les amener à travailler entre elles à l’obtention de l’objectif.

On comprend bien que cette approche intégrant des critères extra financiers dépasse de très loin la seule approche financière. Elle demande une profondeur d’analyse et une organisation de l’esprit différente. Elle est alors susceptible d’apporter dans la durée plus de solidité à un portefeuille financier, c’est à dire sur la durée de vie d’un placement en épargne salariale ou en produit de retraite. Elle est donc susceptible d’être plus attrayante pour un épargnant dans ce cadre.

La mise en œuvre de la gestion intégrale dans la gestion financière d’un  fonds actions suppose donc une démarche spécifique, s’apparentant plus à une approche entrepreneuriale qu’à une approche financière classique. L’analyste doit s’efforcer de comprendre la stratégie fondamentale de l’entreprise, et les différents aspects de sa mise en œuvre, afin de donner du sens à sa recherche de la cohérence dans l’entreprise,  et donc à son appréciation extra-financière. Il aura bien évidemment à vérifier si l’entreprise a les moyens financiers de ces ambitions en procédant à un examen approfondi des comptes.  Pour remplir cette mission, l’analyste ISR (en gestion intégrale) procède à un examen du rapport de développement durable de l’entreprise, de ses documents de référence et de ses documents financiers. Enormément d’informations chiffrées sont par là mises à disposition du lecteur. Il lui appartient donc de les classer, de les répertorier, de les comparer au secteur, afin de pouvoir mieux les qualifier, et ensuite de les apprécier au regard des grand enjeux stratégiques de l’entreprise. La Financière Responsable a jugé nécessaire de se doter en propre d’une grille de dépouillement et d’analyse de ses nombreuses données hétéroclites et difficilement consolidables à première lecture. L’entreprise sélectionnée dans le portefeuille est ainsi passée au crible par un important travail de recherche et de compréhension, nourri par des échanges très fréquents avec les responsables de l’entreprise, afin d’éviter les erreurs génératrices de fausses interprétations.  Ce très lourd travail d’analyse peut être mieux centré en raison du passage préalable de l’entreprise à un double filtre, macro économique et éthique. En effet, ne seront pris en considération que les acteurs pertinents d’un  thème macro économique majeur du moment (par exemple : entreprises exportatrices de biens d’équipement, pour tirer profit de la reprise et de la croissance des zones en développement, entreprises produisant des biens et services de consommation  pour bénéficier de l’émergence d’une importante classe moyenne dans certaines régions du monde, etc.). De plus, pourraient être exclues du champ d’investissement, là pour des raisons éthiques, par exemple, les entreprises non respectueuses des droits de l’homme (travail illégal des enfants, travail forcé, absence de dialogue social, etc.), les entreprises participant à l’activité, totalement illégale en France, des bombes à sous-munitions et des mines anti personnels, et enfin les entreprises ayant pratiqué des licenciements sans mesure d’accompagnement complémentaires à celles prévues par les textes. Doivent être exclues évidemment aussi de l’analyse les entreprises qui refusent de communiquer l’information générale à laquelle la position d’actionnaire donne droit (Bilan social, etc.).

En possession de nombreuses données, La Financière Responsable effectue un travail de consolidation et fournit aux investisseurs un rapport sur ces données sociales, environnementales et de gouvernance, comparant les entreprises sélectionnées dans les portefeuilles avec celles du CAC 40 et de l’Eurostoxx50. Il s’agit du rapport d’Empreinte Ecosociale® publié annuellement, fonds par fonds. Cela permet ainsi de mettre en perspective les données sociales, environnementales et de gouvernance pour l’ensemble des entreprises sélectionnées dans le fonds, avec celles composant CAC 40 et l’Eurostoxx 50. Ces données de reporting, évidemment très parlantes pour l’épargnant, se rapportent à des indicateurs sociaux (relevons parmi d’autres critères, la croissance des effectifs, le taux de fréquence et de gravité des accidents du travail, le taux d’emploi des femmes, les efforts de formation, le taux d’emploi des handicapés, une appréciation des provisions pour avantages postérieurs à l’emploi, etc.). Pour ce qui concerne les indicateurs environnementaux, sont par exemple retracés le rejet des gaz à effet de serre, les consommations d’énergie et d’eau, les provisions à caractère environnemental. Des commentaires viennent autant que faire se peut apporter quelques suggestions d’explications au lecteur, parfois confronté à des écarts inattendus, venant battre en brèche quelques idées reçues.

Ce rapport d’empreinte met également en évidence que l’humilité et la prudence s’imposent dans ces domaines. En effet, afin d’éviter des erreurs d’interprétation ou d’analyse en raison des différences culturelles, nous estimons que l’analyse extra financière propre à l’ISR suppose une proximité géographique. L’approche ISR a du sens en Europe. Une approche mondiale de l’ISR implique de très nombreux biais d’analyse, de raisonnements plaqués : elle est donc inadaptée.

Enfin à un épargnant désireux de placer son épargne dans un produit ISR pratiquant la gestion intégrale, se pose une  question très pratique : Comment reconnaître que le produit proposé est ISR d’une part et que sa méthode d’investissement ressort de la gestion intégrale IVA® d’autre part ? La question est d’autant plus pertinente que l’offre ISR s’est considérablement développée en France du fait de la  transformation à peu de frais de nombreux produits traditionnels de gestion en produits ISR, par le jeu de quelques modifications simples. Un organisme indépendant, Novethic[3], proche de la Caisse des Dépôts, s’est spécialisé dans l’analyse ISR et dans la connaissance des différents fonds se réclamant de cette approche et accorde chaque année des labels ISR à un certain nombre de fonds.  Novethic a mis au point, au sein de ces labels, des mentions spécifiques (mention engagement et mention indicateurs). Cette dernière mention a pour objet de distinguer les fonds ayant effectué un reporting extra financier. S’apparentent à la gestion intégrale les fonds qui déploient  une batterie suffisamment nourrie d’indicateurs dans les domaines de l’ESG (Environnement, Social et Gouvernance). Le recours à la liste des fonds labellisés par Novethic est donc d’un grand secours pour orienter le choix.

Certains observateurs pourraient signaler qu’il est obligatoire depuis le 1er janvier 2010 d’inclure dans les propositions de placements  au titre de l’épargne salariale des fonds solidaires. Or, un fonds solidaire au sens de la réglementation n’est pas nécessairement ISR. Le  recours à la labellisation Novethic est là également un bon indicateur de tri. On signalera pour mémoire que les deux fonds ISR de La Financière Responsable mentionnent tous les deux dans leur prospectus qu’ils utilisent la méthode de la gestion intégrale IVA®. Le fonds actions de la zone Euro, LFR Euro Développement Durable,  a affiché sur trois ans, du 1er janvier 2010 au 31décembre 2012, une performance positive en battant nettement son indice de référence qui est resté en zone négative. Il en est de même pour le FCP LFR Actions solidaires, fonds d’actions de la zone Euro, ISR et solidaire.

Au total, donc, l’Investissement Socialement Responsable est une réponse parfaitement adaptée à la gestion financière de l’épargne salariale et de la retraite en entreprise, qui s’inscrit dans le moyen et long terme.

Olivier Johanet


[1] Le savetier et le financier – Jean de La Fontaine

[2] Cette assertion ne vise pas, et ne remet donc pas en cause, les fonds de partage ou les fonds éthiques. Les premiers répondent à la demande de souscripteurs désireux de partager leurs gains financiers et donc animés par une générosité louable. Les seconds répondent à la demande très personnalisée d’investisseurs souhaitant accorder leurs décisions de placements financiers avec leurs convictions philosophiques ou morales. Cette recherche de cohérence les honore.

[3] www.novethic.fr

Pour plus d’information lfr@lfram.fr

Cette publication a été réalisée par La Financière Responsable dans un but d’information uniquement. Elle ne constitue ni une offre, ni une sollicitation, ni une recommandation par un membre quelconque de La Financière Responsable en vue d’un conseil ou d’un service d’investissement, pour acheter ou vendre des instruments financiers.