La lettre macroéconomique
Octobre 2023


L’inflation reste une variable clé pour les investisseurs

 L’inflation est probablement la variable la plus importante pour les investisseurs actuellement.

En effet, les évolutions de l’inflation ces dernières semaines, bien qu’ayant plusieurs sources, reposent en grande partie sur un réajustement des anticipations d’évolution des taux d’intérêt.

Ce réajustement s’est avéré être plus élevé que prévu, précisément parce que la trajectoire de l’inflation est plus persistante, du moins en ce qui concerne l’inflation sous-jacente.

Cependant, les anticipations des investisseurs sont très volatiles car elles passent facilement d’une extrémité à l’autre.

Il est vrai que l’inflation montre une persistance inattendue, mais en même temps, il y a des données indiquant que certaines forces pourraient exercer une pression à la baisse sur l’inflation à l’avenir.

 

Les raisons qui contribuent à maintenir une inflation élevée

La hausse des anticipations ces dernières semaines est étroitement liée à l’évolution des prix de l’énergie. Il est évident que l’augmentation de ces derniers entraîne une inflation plus élevée. Cependant, cela ne devrait pas, en soi, conduire à une réévaluation à la hausse des anticipations en matière de taux, car une inflation tirée vers le haut exclusivement par les prix de l’énergie a une durée de vie très limitée et peut finalement ne pas impacter les prix mais plutôt la croissance.

Toutefois, certains éléments laissent supposer que la persistance de niveaux de prix élevés est due à des facteurs plus profonds que les matières premières énergétiques.
L’un d’entre eux, également lié à l’énergie, est le manque d’investissement dans les infrastructures énergétiques au cours des dernières années, principalement en Europe. Cela a pour conséquence de faire augmenter les prix de l’énergie, indépendamment du coût de la matière première. Cela se traduit par une augmentation des coûts dans tous les secteurs de l’économie, entraînant ainsi des problèmes de croissance futurs.

Une autre raison peut être déduite de la persistance à la hausse des prix des services ; ce secteur ne connaissant pas une concurrence réelle, que ce soit en Europe ou aux États-Unis.

En continuant à examiner davantage les raisons qui maintiennent l’inflation à un niveau élevé, on constate que nombre d’entre elles découlent des politiques économiques mises en œuvre ces dernières années.
Par exemple, les restrictions appliquées sur certains marchés tels que les matières premières agricoles ou le marché immobilier ont entraîné une augmentation artificielle des prix qui ne correspond pas à la dynamique d’un marché moins réglementé.

Tout cela met en lumière certaines des raisons pour lesquelles l’inflation sous-jacente n’a que peu diminué.

 


 

Les impacts et les limites de la politique monétaire sur l’inflation

Cependant, en tant qu’investisseur, je trouve un autre aspect quelque peu préoccupant.

Tous les acteurs du marché associent immédiatement une inflation qui ne diminue pas suffisamment à un discours plus dur de la part des banques centrales. Toutefois, dans la réalité, il y a des forces, en partie opposées aux précédentes, qui devraient déjà exercer une pression à la baisse sur l’inflation.

La principale d’entre elles est la politique monétaire, qui est directement sous le contrôle des banques centrales.
En effet, depuis environ un an et demi, nous assistons à une contraction monétaire, c’est-à-dire à une réduction de la quantité d’argent dans le système, impulsée par les actions des banques centrales, tant en termes de taux que de gestion du bilan.
En pratique, nous constatons que l’évolution de la masse monétaire est négative en glissement annuel (ce que les économistes appellent M2, c’est-à-dire l’argent qui circule dans l’économie réelle), en Europe et aux États-Unis. Or, selon les principes de base des banques centrales, cela devrait normalement entraîner une baisse marquée de l’inflation, y compris de l’inflation sous-jacente.
Mais ce n’est pas le cas, en grande partie, pour une raison que nous n’avons pas mentionnée auparavant, mais qui est fondamentale : l’immense masse d’argent créée jusqu’en 2020 et qui circule encore dans le système.

Le fait que cela ne se produise pas peut laisser penser que les origines de l’inflation ne sont pas monétaires et ne sont pas non plus circonscrites à la sphère contrôlée par les banques centrales. Si cette hypothèse s’avérait juste, il se pourrait que les hausses de taux ne soient pas l’outil adéquat pour lutter contre ce type d’inflation. Cette possibilité est renforcée par l’effet de base, c’est-à-dire que la comparaison à une inflation de l’année précédente déjà élevée exerce automatiquement une pression à la baisse sur celle-ci. Mais il est prématuré de penser que ce phénomène ait une probabilité importante de se produire.


En réalité, l’impact des politiques monétaires se produit toujours avec un délai qui devrait être encore plus long qu’habituellement observé, compte tenu de ces dernières années
. C’est pourquoi nous devrions attendre au moins jusqu’à mi 2024 pour vérifier si cette hypothèse est réaliste. En effet, il est fort probable qu’elle le soit seulement en partie, et ainsi, dans la seconde moitié de 2024, nous pourrions effectivement constater une baisse marquée de l’inflation.

Cependant, d’ici là, nous devons rester vigilants car les données actuelles indiquent que l’inflation reste une variable clé, et que du moins dans un avenir immédiat, elle ne laisse pas de marge de manœuvre pour un discours plus accommodant de la part des banques centrales.

 

Fin de rédaction le 26/10/2023
par Alberto Matellan, Chef Economiste, Groupe Mapfre

 

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